MON CHEMINEMENT | TEMOIGNAGES | BONUS | ||||||
ETAPES DE MON PARCOURS | TEXTES QUI M'ONT AIDE |
MARIES MAIS GAYS (choisir?) |
PERES DIVORCES GAYS (être enfin soi!) |
FORUM EX-HETEROS |
Il m'a fallu du temps pour accepter mon homosexualité. J'avais alors 35 ans, j'étais marié, des enfants. Ce n'est pas une situation simple... J'ai fait des rencontres, je me suis documenté, pour comprendre ce qui m'arrivait... Echanger avec des personnes dans ma situation. Comprendre comment j'ai pu me cacher la vérité à ce point pendant toutes ces années? Alors que je connaissais mes désirs, que j'avais tous les éléments pour comprendre qui j'étais. J'ai rassemblé ici témoignages, références, réflexions, poèmes... Si ça peut être utile..
Si vous souhaitez pouvoir accéder à ce site même en cas de changements dans l'hébergement, merci d'enregistrer cette adresse: poemesgays.over-blog.org
Bonne lecture ...
Cyrille
Pour m'écrire / témoigner:
cyrille (escargot) un-chemin-d-acceptation-de-soi.com ou formulaire de contact
"Il est préférable d'affronter une fois dans sa vie un danger que l'on craint que de vivre dans le soin éternel de l'éviter."
Marquis de Sade
_____________________
_____________________
_____________________
_____________________
_____________________
Je relongeais ces longs couloirs à la lumière blafarde, couloirs étroits, où résonnaient mes pas, le bruit de ma démarche heurtait les murs et les portes fermées me suffoquaient comme si j'allais à nouveau pénétrer une de ces cellules grises...Puis je me suis réveillé, en sursaut, mon oreiller trempé, le corps ruisselant d'une nuit trop chaude. Pourtant, il faisait froid dans la chambre, et en regardant l'heure, je me suis rendu compte que je n'avais fait qu'un rêve... Toute ma vie (je ne suis pas si vieux) venait de me revenir, en un instant, comme un défilé imperturbable d'images, de sons, de visions, de couleurs, de pensées, d'impressions...
Toute une vie d'enfermement, de renoncements, de non-dits, d'échappatoires, de défilement, toute une vie qui avait commencé un beau jour où...
Ce jour là, âgé de 7 ou 8 ans je ne sais plus exactement, je fus confronté pour la première fois à ma réalité. Je ne sais même plus comment c'est venu, mais ça s'est affiché, gravé dans ma mémoire à jamais. Ma mère venait de m'expliquer, avec ses mots à elle, et en cette époque pas si lointaine, mais avec une gêne perceptible, le sens du mot homosexualité:
- M'man, c'est quoi un homosexuel ?
- C'est dégueulasse, c'est un homme qui couche avec un autre homme!
Point.
Cette définition, pour lapidaire qu'elle soit, m'est restée dans la caboche. Je ne savais pas encore pourquoi, mais elle s'accrochait, rien à faire...
"C'est dégueulasse de dormir avec un garçon ? Pourtant, quand mon cousin vient à la maison, il dort avec moi..."
Je gardais mes réflexions innocentes pour moi.
Il m'étais bien arrivé d'entendre des choses compliquées dans la cour de l'école, ou dans le square de notre cité HLM, de la part des plus grands : "t'es qu'une tapette". "Sale PD", Pédale". De la part de ces garçons que je regardais déjà avec envie, avec admiration, cela faisait office de vérité sacrée, de parole non contestable...
Je compris assez vite que ces noms d'oiseaux n'avaient rien d'amical. Même si je n'en saisissait pas le sens exactement, eux non plus probablement d'ailleurs.
A l'école primaire, j'étais plutôt solitaire, bon élève. A part ça, quelque chose me différenciait des autres, quelque chose d'indiscible, d'inexplicable, comme des barreaux imaginaires qui me séparaient du commun des mortels de la cour de récré.
Au foot, c'était pareil, même pire. Mon père avait voulu que je fasse du sport. Par dépit, j'avais choisi le foot. Je n'étais pas très volontaire, je préférais aller chez ma grand-mère, le mercredi, regarder Goldorak et jouer dans la cour.
Elle au moins, elle ne faisait pas chier, elle m'appelait à 16h : "Erwan, le thé est servi", et il y avait des douceurs à la confiture qui tranchaient tellement avec ce monde de brutes...
Mais c'était un nouveau barreau que je rajoutais, inconsciemment, à ma porte blindée !
Comment aurais-je fait autrement ? On me disais fragile, le fi-fils à maman, toujours dans ses jupons, isolé, raillé car incapable de faire une reprise de volée...
"T'es pas une fille nom de dieu" résonnait étrangement en moi...
Non, je savais que je n'étais pas "une fille", comme ils disaient. Mais je savais que je n'étais pas comme les autres garçons. Et j'ai eu ma révélation lorsque mon grand frère, aîné de deux ans, a commencé à flirter, lui, avec des nanas.
Ca m'a d'ailleurs choqué, allez savoir pourquoi, cet été là. Je l'ai vu embrasser cette estivante, et il a essayé de me refiler sa petite soeur...
J'ai fui, comme un prisonnier acculé à ses quatre murs mais qui trouve quand même le recoin où se cacher...J'ai ajouté un nouveau barreau à ma porte !
Le collège est arrivé. Déjà, au primaire, je gardais ces images merveilleuses de jolis garçons de ma classe, les plus beaux, allez savoir pourquoi.
Mais là, la chose, cette chose étrange dans le corps, prenait âme d'une façon plus concrète, une envie indescriptible de toucher, de sentir, d'embrasser, comme les autres, mais pas comme les autres.
Tandis que mon frère collectionnait les petites copines, je collectionnais les rêves, je me réfugiais dans des mondes imaginaires, construits par moi et pour moi, seul, je décidais enfin du début et de la fin, dans un happy end tranquille, confortable, et j'accrochais encore, un nouveau barreau à ma porte.
Ma première 4e, deux filles de la classe m'ont fait subir le martyr. Elles se sont acharné sur ce gars timide, rougissant, et puis, et puis...c'était des filles ! Une peur trouble s'est installée. Dans ces années 80, on ne discutait pas beaucoup en famille de ces choses là, chacun faisait son parcours.
Le mien devait être semé d'embuches !
Comme un phénix, je me suis pourtant redressé, j'ai commencé ma longue carrière de menteur, ou plutôt d'acteur d'une pièce que je n'avais pas écrite, dont les actes se déroulaient tous les jours, mais où je pouvais malgré tout boter en touche, sous des prétextes inimaginables, des excuses qui semblaient me tomber du ciel.
Car malheureusement, triste paradoxe, je plaisais encore à des filles. Un jour, une copine de lycée, plus vieille que moi, me ramena en voiture. A l'entrée de ma rue, elle me dit "tu me fais un bisou ?" Moi, comme un niais, je croyais encore à l'innocence des rapports, je l'ai embrassée sur la joue. "Non, pas là !" m'a-t-elle dit, et là j'ai compris, moi qui ne m'imaginait pas désirable puisque ne désirant pas ! J'ai rajouté un barreau à ma prison, un plus gros peut-être !
Quelques années avant pourtant, j'avais eu une expérience avec un garçon, mais pour lui comme pour moi, cela devait répondre du hasard, de l'anecdote...
Je suis passé en appel. La première condamnation a été confirmée, renforcée même. Prison ferme, interdiction de s'évader, surveillance jour et nuit ! A la télé dans ma cellule, il n'y avait que des programmes réprobateurs : La Cage aux Folles... Ces rires gras des matons de mon quotidien me soufflaient comme un vent mauvais, résonnaient dans ma tête comme un message subliminal :
"Non tu ne peux pas être cela, ce n'est pas possible, c'est dégueulasse, les autres ne sont pas comme cela"
Pourtant, au travers des barreaux, je voyais au loin des désirs naître, grandir, des fantasmes devenir obsessions, mais jamais personne, au parloir, ne venait me l'expliquer.
Je suis donc entré en mode clandestin, je me suis évadé quelques fois: un site minitel (que ça doit paraître désuet aux taulards d'aujourd'hui), les annonces dans le gratuit du coin, l'entrée d'une boîte homo où poireautaient deux trois mecs attendant l'entrée, tandis que mon entourage riait aux éclats "ah regardes, c'est des PD !".
Nouveau barreau.
A la fac, ça n'a pas changé. Les barreaux étaient trop soudés, impossible de les scier comme ça, avec une simple lime à ongles ! Pourtant, il y eu cette rencontre avec J. pendant les grèves de 95. Lui était sorti, et criait haut et fort qu'il était libre... Peut-être trop fort pour moi, qui n'avait qu'à bien me tenir si je voulais être libéré en conditionnelle...
Car je n'ai pu me libérer que plus tard, malgré l'évolution du dehors.
Ce mois de mai 2004, il faisait décidément trop beau pour rester enfermé ! La vie suivait son cours, la mienne aussi, j'étais heureux sans l'être...
A 30 ans, condamné depuis 15, je me suis conditionné à sortir.
C'est une amie qui venait souvent au parloir qui m'a donné les clefs de ma porte de prison. Elle m'a tendu cette perche que j'attendais depuis tellement longtemps pour escalader ce p***** de mur et, plutôt que d'hésiter comme d'habitude, comme trop longtemps, j'ai franchi le pas, je suis descendu, j'ai couru sans réfléchir, puis j'ai grimpé aux 2e mur, puis j'ai couru encore, essouflé, le coeur battant à déraison, avec une sorte d'ivresse indescriptible, une peur immense aussi, devant ce champ de liberté qui m'était soudain offert, moi qui n'avait connu que les quatre murs de ma cellule dorée !
Quelques jours plus tard, j'ai revu mes juges. Une soixantaine, peut-être plus...je ne sais plus. A chaque audition, j'ai cru retourner en taule, et en reprendre pour plus long. Mais à chaque fois, ma liberté a été affirmée.
Mais non, c'était fini, comme un sale cauchemar, comme cette nuit où je me suis réveillé en sueur, où j'ai regardé l'heure, et où j'ai compris que je venais de me mettre 15 ans de prison ferme tout seul.
Et eux, ces c**s de juges, n'en étaient plus, ils avaient jeté leur robe d'hermines en me faisant comprendre que ce n'était qu'un déguisement, pour une pièce en trois actes qui venait de s'achever sous les applaudissements d'un public avenant.
Dans les loges, quel succès, on a tous trinqué, et ils m'ont dit :
"Et alors ?"...
Nathan